Les 19 et 20 janvier 1999
Débats sur l’écologie, la science et le progrès. Grange de Dorigny, Lausanne
Sujet
La crise écologique contemporaine représente une nouveauté radicale dans l’histoire de l’humanité. En effet, si l’être humain a de tout temps cherché à maîtriser son environnement naturel, les modifications infligées à la biosphère depuis la révolution industrielle, et plus particulièrement depuis quelques décennies avec le développement du marché mondial, de l’industrie automobile et chimique et de l’agro-business, ont acquis un caractère à la fois global et irréversible.
Les multiples facettes de cette crise sont bien connues: réchauffement des climats terrestres dû à l’augmentation de l’effet de serre de certains composants de l’atmosphère, rétrécissement de la couche d’ozone, érosion des sols, déforestations massives, épuisement de ressources essentielles – dont l’air respirable et l’eau potable -, désastres industriels et déchets atomiques dont la gestion semble insoluble, sont autant de perturbations d’origine anthropique qui affectent des groupes sociaux immenses.
La crise écologique actuelle met à jour les contradicitons flagrantes entre un monde aux ressources naturelles limitées et la logique productiviste qui s’incarne aujourd’hui dans le capitalisme, où la centralité du profit implique la « production pour la production », la création infinie de besoins et l’expansion continue des marchés, et ceci sans prendre en compte d’autres contraintes comme l’épuisement des ressources naturelles, les effets de la production ou de la consommation sur le milieu naturel ou les incidences sociales. Cette recherche d’un profit immédiat et maximum est un obstacle à la vison à long terme d’une gestion raisonnée des ressources naturelles.
Si la prise de conscience de l’importance de cet enjeu est aujourd’hui réelle, les réponses apportées sont loin d’être satisfaisantes. Comme dans tous les autres domaines, le paradigme néo-libéral s’impose dans le débat sur l’écologie. Cette approche prétend régler les problèmes écologiques par internalisation, c’est-à dire par la prise en considération dans les coûts de production – et donc dans les prix de vente… -, des coûts des dommages infligés à l’environnement. Cette démarche aboutit à une extension des droits de propriété sur les ressources naturelles et une marchandisation de la nature, donc à une inégalité accrue dans la répartition des richesses et dans l’accès à des ressources globales limitées. La mise en place d’un marché des permis négociables accordant des droits de polluer, l’instauration d’écotaxes, ou la volonté de développer les échanges dettes/nature pour les pays du Sud en sont les concrétisations les plus en vogue actuellement.
Pour nous, la réponse à la crise écologique ne peut qu’être une réponse aux contradictions générales de nos sociétés humaines. Il s’agit de sortir d’une démarche économiciste étriquée prétendant que l’économie à ses propres règles et contraintes auxquelles la nature et l’ensemble de la société doivent impérativement s’adapter, et d’articuler la problématique écologique à une réflexion critique sur le système capitaliste et les inégalités sociales qu’il produit. Dans une telle perspective, il est également pertinent de s’interroger sur la notion même du progrès, et de poser la question du rôle que le développement scientifique et technologique doivent assumer aujourd’hui.
Programme
Mardi 19 janvier 1999 au BFSH2 :
•Introduction à la critique écologique des sociétés industrielles par José Manuel NAREDO
•Quelles réponses politiques à la crise écologique? Tour d’horizon, du néo-libéralisme à l’éco-socialisme
•L’écologisme populaire au Brésil: une lutte combinant protection de l’environnement et défense des droits sociaux par José Augusto PADUA
Mercredi 20 janvier 1999 au bâtiment de biologie :
•Critique de la notion de progrès: les enjeux d’une certaine rationalité scientifique par Michael LOWY
•Science et développement technologique: l’exigence d’une maîtrise démocratique par Samuel JOSHUA
Conférenciers
J. M. Naredo :
J. M. Naredo est économiste, directeur de la Fundación Argentaria, Madrid. Il est notamment l’auteur de La economia en evolucion, Madrid, Siglo XXI, 1987, et a publié, avec A. Valero, Desarrollo económico y deterioro ecológico, Madrid, F. Argentaria and Visor Distrib., 1998.
J. A. Padua :
J. A. Padua est historien et membre du conseil international de la revue Ecologia politica. Il est responsable de la coordination de la campagne de Greenpeace sur les forêts.
M. Löwy :
M. Löwy est sociologue. Il est directeur de recherche au C.N.R.S. et enseignant à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Parmi d’autres ouvrages, il a publié Paysages de la vérité: introduction à une sociologie critique de la connaissance, Paris: Ed. Anthropos, 1985.
Samuel Joshua :
S. Johsua est professeur à l’Université de Provence (Aix-Marseille) et responsable du Département des Sciences de l’Education; il a notamment publié, en coll. avec Jean-Jacques Dupin, Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques, PUF 1993, et Représentations et modélisations: le « débat scientifique » dans la classe et l’apprentissage de la physique, P. Lang 1989.