Catégories
News

Images, pensées picturales

Andrea Barciela,
La fabrique de la condescendance

Elliott Borgeaud,
Olivia Virchaux
Anabasis

Majoritairement inspiré par l’esthétique platonicienne, Anabasis est un conte philosophique figurant autant l’ascension de Diotime dans la contemplation de la beauté que les théories morales de Platon. Sur la base de la tripartition de l’âme, le protagoniste va effectuer un cheminement philosophique pour se défaire de l’emprise de la partie désirante de son âme pour atteindre la belle pensée. Cette ascension psychologique est motivée par la recherche du Beau, voire la découverte du Beau en soi. Dans une maison à trois étages, le protagoniste débute son parcours au niveau le plus bas, qui est aussi le niveau le plus sombre. Dans cette partie, il se lance impulsivement dans la satisfaction primaire de ses désirs et de ses passions, menant une vie qu’il ressent de plus en plus comme néfaste. Ses premières habitudes prennent forme dans la métaphore filée du cheval noir, métaphore venant également mettre en avant les tensions internes ressentis par le personnage entre sa volonté de découvrir la vérité et son envie de répondre à ses pulsions. Sa première victoire face au cheval noir est d’atteindre le deuxième étage, lieu où il effectue son cheminement philosophique en trois étapes. Chaque pièce représentant une étape, il va apprendre à voir et à écouter, puis il va se placer dans la juste mesure. Le troisième étage, où le Beau en soi est supposé, lui est proposé une fois sorti de la troisième pièce. Il refuse de monter, ne se considérant pas prêt pour cette découverte, signe que le cheval blanc a gagné en puissance sur le cheval noir.

L’intérêt des illustrations est de mettre en lumière le conte. Au nombre de trois, elles imagent chaque étage de la maison décrite dans le texte. L’ordre dans lequel elles s’organisent illustre la verticalité entendue par le terme « ascension », tout en conservant la direction du regard : le texte se lit de haut en bas, c’est pourquoi l’illustration inverse l’ordre du haut et du bas de l’ascension. Le premier étage est représenté par le cheval noir qui fait référence au mythe de l’attelage ailé décrit dans le Phèdre. Il met en exergue les habitudes basses du protagoniste, la métaphore filée du cheval noir, et l’obscurité. Le deuxième étage est représenté par le cheval blanc, il évoque la lumière et la sagesse du personnage qui apprend à voir, à écouter et qui prend part aux dialogues philosophiques. Il apprend la juste mesure, mise en avant par l’équilibre créé par la première illustration (justifiée à gauche) et la seconde (justifiée à droite). La troisième est chaotique, elle présente l’impossibilité d’atteindre le troisième étage, le Beau en soi. Le débordement du cheval blanc indique que la sagesse permet de tendre vers ce Beau, et l’incapacité de l’atteindre est représentée par les triangles « piquants » érigés autour. Le Beau en soi ne pouvant pas être illustré, il est symbolisé par le cercle qui représente la perfection, l’homogénéité, l’absence de distinction, de division, de début et de fin. Chaque illustration déborde sur la suivante pour imposer la continuité du texte et le processus induit par l’ascension. Toutes débordent hors-cadre pour présenter les bribes de vérités qu’atteint le protagoniste sans en dégager d’absolu tout en mettant en abyme notre travail : créer à partir d’une pensée philosophique en s’octroyant toutes les libertés nécessaires implique que cette pensée n’est pas présentée dans son intégralité.

Gaëtan Lobello
CollaboArtion

À qui appartient une œuvre artistique ?

La question de la possession d’une œuvre est au centre de ce projet performatif. La question de la possessivité dans le domaine des arts ne saurait se défaire de celle de la liberté. Le public est invité à effectuer des modifications à une peinture de l’artiste français Georges Papazoff. L’invitation est double : que les personnes s’interrogent sur la liberté qu’elles ont – ou des restrictions qu’elles ressentent – de modifier une œuvre artistique. Nous voulons ainsi encourager des réflexions et discussions sur des questions de prise et/ou de perte de la valeur  de l’œuvre modifiée.

Lauranne Pottier
Stigmates

Trois aquarelles montrent trois paires de mains, toutes portant des marques qui parlent de la vie de leurs porteurs et porteuses.

C’est l’impact du vécu sur les corps qui m’intéresse. Mon but avec ces images est de montrer la beauté des choses terribles, des choses banales, des choses qui arrivent. Ces mains, je n’ai pas besoin de les rendre atroces. Elles sont là, elles se montrent à vous, simplement, sans chercher à en faire des tonnes. Leur simple présence suffit déjà à vous faire comprendre l’ampleur de ce qu’elles signifient.

Montrer les stigmates, c’est montrer une histoire.

Je décèle toujours une certaine pudeur dans l’expression de la douleur chez les gens qui l’ont vécue, tandis que ceux qui ne l’ont pas connue cherchent dans les récits qu’ils en font les détails les plus ignobles, le sensationnellement macabre, sans doute pour l’expérimenter, ou la comprendre.

Sans même creuser dans l’horreur, sans chercher à heurter, je sais que vous avez déjà compris au moins une partie de ce que les porteurs et porteuses de ces mains ont vécu, je cherche votre empathie, et je crois que je l’ai déjà trouvée.

Ce travail veut apaiser, car vos mains aussi portent les traces de votre vie. Il est un peu de poésie dans ce monde de brutes, un peu de baume sur le cœur des blessés.

Colas Weber
Euthyphron et Socrate

Nietzsche incarne Socrate et le Grand Mufti de Jérusalem incarne Euthyphron.

Le tableau s’inspire de la photo qui a immortalisé la rencontre entre le mufti de Jérusalem et Hitler à Berlin le 28 novembre 1941.

Qu’est-ce que la piété ? Peut-on tuer par piété ?

Euthyphron veut faire condamner à mort son père pour impiété.

Socrate sera condamné à mort pour impiété. 

Le mufti de Jérusalem va soutenir l’extermination du peuple juif par piété…

Aux yeux des abrahamistes d’aujourd’hui, Nietzsche est impie.

De nos jours, le meurtre est encore justifié par certains croyants au nom des lois religieuses.