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Dialektikê au Fécule

Il s’agit d’une pièce écrite et mise en scène par Margot Prod’hom et Bilal Elhaouari. Elle sera jouée le 4 mai 2016, lors du Fécule Festival,  et le 7 juin 2016 au Théâtre la Grange de Dorigny.

Résumé du spectacle

Tout commence par une naissance. Sur scène, deux esprits naissent à eux-même, ils prennent conscience de leurs corps et de l’espace scénique qui leur est offert. Cette naissance précède celle du langage, qui permettra des rapports interpersonnels plus élaborés : la pensée est d’abord embryonnaire, intrinsèque, et par conséquent, a-verbale. Les deux personnages découvrent enfin l’altérité, cet Autre avec qui ils vont devoir coexister, jouer. Une rencontre qui s’avère à la fois merveilleuse et effrayante : le chiffre deux, de manière inhérente, donne lieu à un rapport hiérarchique. Chacun va devoir accepter son rôle dans le jeu. Mais la variable humaine, au théâtre comme dans la vie, consiste en une fluctuation d’interactions et implique donc des processus de rupture d’équilibres. La distribution des rôles se renverse.

Deux comédiens sont nés.

La préparation de la pièce peut commencer. Le metteur en scène convoque les comédiens pour faire une première lecture et leur présenter son projet. La pensée prend forme : elle se met en mots. Huit mois se sont écoulés, c’est le jour de la répétition générale. Les personnages prennent vie sur le plateau. Les comédiens sont interrompus ponctuellement par le metteur en scène qui intervient pour leur faire part de ses dernières recommandations. La pièce a été jouée. La fiction est née.

Les comédiens se retrouvent en coulisses sous les applaudissements : c’est le retour à la réalité. Ils échangent leurs premières impressions et se félicitent d’avoir mené à bien leur projet. Sur scène, il n’y a plus que des personnes.

Les auteurs sont nés.

Note d’intention artistique

Notre pièce a vu le jour à partir d’une réflexion sur les rapports interpersonnels de liberté et de contrainte au théâtre. Le premier acte est une forme d’abstraction, de réflexion philosophique muette – rien qu’en actes – de ce qui sera mis en mots et en fction dans le deuxième; la parole y est corporelle. En s’inspirant de La Phénoménologie de l’esprit de Hegel, nous avons cherché à donner corps à la dialectique que celui-ci théorise entre maîtres et esclaves. Nous questionnons la dialectique inhérente à ces rapports, expérimentant les liens intersubjectifs qui peuvent se trouver équilibrés, d’une certaine manière, dans le théâtre post-moderne, au travers de la mutualité, de l’échange et de la communication qui s’établit entre les différentes instances du théâtre. Ce dernier se veut fondamentalement échange, construction mutuelle de sens entre un texte et des corps, entre un metteur en scène et des comédiens, entre des personnages et un public. Nous nous interrogeons sur les stratégies qui peuvent permettre de ramener les individus qui composent le théâtre sur un pied d’égalité – entre libertés et contraintes – mais aussi sur ce qui fait que, irrémédiablement, le théâtre est constitué par des rapports de forces qui ne cessent d’être négociés; ce dont témoigne la différence entre le théâtre d’aujourd’hui et celui d’il y a un siècle. Dans l’acte premier, les corps miment la naissance d’un individu et les étapes (naissance de la conscience, la conscience du corps, la rencontre de l’Autre, la peur de l’Autre, l’angoisse, la lutte, l’asservissement et la rupture) par lesquelles il passe dans la découverte de soi, de l’Autre et du monde. La rupture se répète dans le renversement fnal, qu’elle se retrouve à la fn du deuxième acte : l’esclave va s’émanciper du maître en refusant de continuer à rejouer leur pièce et l’abandonne à sa mort métaphorique, à la fin de son jeu : c’est la fin de la partie.

Le stade du premier acte – plus philosophique de part ses sources d’inspirations et de part la volonté qu’il représente d’établir les fondements d’une réflexion – est finalement dépassé par le second, supplanté par la fiction. Cette dernière consiste en une mise en abyme de notre travail : elle met en scène une mise en scène. Le deuxième acte est plus complexe puisqu’il imbrique différents dialogues à plusieurs niveaux de réalité (le texte de Beckett, la mise en scène de la mise en scène et notre projet). Globalement, Dialektikê interroge la manière avec laquelle le théâtre fait de la variable humaine son essence, dans un système dynamique. La pièce s’articule autour d’une dimension méta-théâtrale, c’est-à-dire autour d’une réflexion sur les interactions et les relations qui créent le théâtre, dans un mouvement dialectique entre liberté et contrainte.