Les Femmes au Balcon – de la fureur mes sœurs (Critique)

©Frenetic Films AG

TW: cette critique fera mention de viol, de violences sexistes et sexuelles.

A la sortie du film, l’unique autre spectateur de la projection – un homme de passé huitante ans – est venu me demander ce que j’en avais pensé, et sans attendre ma réponse, m’a scandé qu’il avait été insupporté par toutes ces femmes qui criaient de manière totalement hystérique. Et moi, j’aimerais répondre à mes adelphes : continuez de crier et de sortir la rage de vos entrailles, continuez à hurler votre colère face aux violences qu’on vous a infligées, car c’est bien là le sujet du nouveau long métrage de Noémie Merlant : la rage face à la violence faites aux femmes, une rage présentée lors des premières minutes du film et qui donne le ton pour les images à venir.

Après un plan séquence d’ouverture présentant le quartier et ses balcons où se passera la plus grande partie de l’intrigue, la caméra nous amène sur un balcon où git une femme, Denise (Nadège Beausson-Diagne), couverte de bleus infligés par son mari. C’en est trop pour elle : elle lui inflige un coup de pelle mortel. Bien que personnage secondaire, Denise permet de se plonger directement dans le discours du film. Les trois personnages principaux – Nicole (Sanda Codreanu), Ruby (Souheila Yacoub) et Elise (Noémie Merlant) – vont soulever à leur tour ces questions de violences sexistes et sexuelles faites aux femmes, que ce soit par la banalisation des violences faites aux travailleuses du sexe ou de la réduction des actrices à des objets sexuels.

Le film joue sur une double signification de l’horreur : celle du genre cinématographique classique par le biais de mises en scènes crues et sanguinolentes, mais aussi sur l’horreur que représente le fait d’être une victime de violences sexuelles, qu’il s’agisse de l’état de choc de Ruby après avoir été agressée sexuellement par le voisin d’en face, ou d’Élise qui subit un rapport non consenti imposé par son mari. Les femmes au Balcon est un film d’horreur, oui, mais pas seulement : Noémie Merlant mélange les genres cinématographiques et vient rajouter au drame et à l’horreur un aspect comique cynique. En effet, le film a une autre vocation que de mettre en avant les violences vécues par les femmes : il se moque ouvertement des violeurs. Le film traite habilement de leur autovictimisation : ces hommes agresseurs se retrouvent à hanter leurs lieux de vie sans savoir comment en finir avec cette errance. Noémie Merlant amène alors sa réponse : il leur faut avouer être des agresseurs, et prendre conscience de leurs actes, une chose qui échappe totalement à ces fantômes.

Le long métrage de Noémie Merlant n’est cependant pas un film parfait. Sa structure et sa volonté de mélanger les genres cinématographiques de la comédie, du drame et de l’horreur est un peu brouillonne, amenant quelques fois des enchainements de scènes questionnables. Ses personnages principaux sont aussi assez caricaturaux, ce qui les rends factices et retire de l’authenticité au récit.

Les femmes au balcon peut avoir ses points faibles et ses défauts, mais son contenu n’en perd pas son effet coup de poing et ses mises en scènes reprennent de manière ingénieusement parodique les codes du male gaze, retournés contre son vecteur originel. Le film soigne des plaies profondes et amène l’espoir d’une possible représentation cathartique de violences faites aux femmes au cinéma. Et du cinéma qui fait grincer les vieux réacs, on en veut plus !

Annaëlle Poget (11.12.2024)


Les Femmes au Balcon

  • Réalisation: Noémie Merlant
  • Pays de production: France
  • Genre: Comédie
  • Acteurices: Noémie Merlant, Souheila Yacoub, Sanda Codreanu
  • Durée: 1h43