Cerrar los Ojos : entre errance, enquête et cinéma (Critique)

©Cinémathèque Suisse

Miguel Garay, réalisateur déchu, menant une vie paisible au bord de la mer, voit sa vie basculer lorsqu’une émission télévisée d’enquête l’appelle pour témoigner. Il y a 30 ans, Julio Arenas, son ami, mais également acteur, avait mystérieusement disparu lors du tournage du deuxième et dernier film de Miguel, qui restera inachevé. Une quête débute pour retrouver Julio, mêlant mémoires, souvenirs et mystère.

Victor Erice, grand maître espagnol du cinéma, n’avait pas réalisé de long-métrage depuis 1992, et revient après plus de 30 ans avec Cerrar los Ojos, film durant presque trois heures, qui avait été présenté en première mondiale l’année passée à Cannes.

Cerra los Ojos est une longue errance immuable et universelle. Elle s’applique tant aux spectateurices, cherchant la moindre faille temporelle, un quelconque geste qui permettrait de s’évader du film, qu’aux personnages, en quête de vie, ainsi qu’à Erice, qui retrace en quelque sorte son long cheminement cinématographique en 3 heures. Le film n’est pas à aborder sous un prisme narratif ou visuel. En réalité, c’est lui-même qui invite, dès les premiers instants, les spectateurices à pénétrer dans sa demeure, leur confiant une mission : y trouver une expérience de cinéma. Cerrar Los Ojos est un doux et mélancolique regard posé sur le cinéma, qu’Erice aura traversé sur plusieurs décennies.

Mais il n’est pas facile de se soumettre sans préavis aux impositions du film, qui n’est ni l’œuvre la plus divertissante ni la plus plaisante à regarder. D’abord, le scénario est assez monotone : il faut attendre la troisième heure pour qu’un récit attractif se dessine et que les émotions sortent de la grotte dans laquelle elles s’étaient perdues. En plus de cela, la réalisation peine à se démarquer. La scène où les enjeux sont posés, prenant place lors d’une émission de télévision, est banale, voire inexpressive, manquant de dynamisme et de tension, à cause de cette fixité sur le visage de Miguel sur un fond uni.

Le plus gros défaut de Cerrar los Ojos est donc ce creux émotionnel dont il n’arrive pas à se sortir, peut-être causé par un trop grand écart générationnel entre le film d’Erice et moi-même. Il aborde la vieillesse et la mémoire sous différents spectres, comme par exemple les liens qu’entretiennent inconsciemment notre cerveau avec des évènements passés ou fictifs, mais en gardant une perspective qui est celle d’une personne de plus de 80 ans. Le regard qu’il pose sur son thème principal est difficile à percevoir, ou du moins à appréhender, d’un point de vue plus jeune.

Le film est un voyage dans le temps, pas au sens de Retour Vers le Futur, mais une sorte de portail spatio-temporel, plongeant le temps de trois petites heures dans un état métaphysique de demi-conscience. On peut tout autant y trouver un grand ennui, comme y être métamorphosé, transcendé, ce que l’on pourrait généralement appliquer au cinéma. Cerrar los Ojos arrive subtilement à faire son effet au fil des jours dans son incarnation d’un médium que tout le monde connaît, et même s’il ne séduit pas systématiquement, Erice laisse une trace dans l’esprit de chaque spectateurices.

Le film sera exclusivement diffusé à la Cinématique du 26 novembre au 31 décembre.

Gil Dalebroux (27.11.2024)


Cerrar los Ojos

  • Réalisation: Victor Erice
  • Pays de production: Espagne
  • Genre: Drama
  • Acteurices: Manolo Solo, José Coronado, Ana Torrent
  • Durée: 2h49