Trois Kilomètres Jusqu’à la Fin du Monde : La corruption au cœur de la Roumanie (Critique)

© Praesens-Film AG

Ari revient dans son village natal, isolé du monde, pour les vacances. Lors d’une soirée, il est victime d’une agression homophobe. Cette affaire bouscule complétement la vie et l’ordre apparent de la communauté et de ses habitants, et va refaire surgir les vraies natures de chacun.

Présenté en Compétition Officielle au Festival de Cannes 2024, ce nouveau film du réalisateur roumain Emmanuel Parvu prend place dans un petit village isolé au bord du Danube. La première chose qui intrigue dans Trois Kilomètres Jusqu’à la Fin du Monde est son titre prometteur de complexité, évoquant notamment la situation géographique dans laquelle se situe Ari, le protagoniste, et le manque d’échappatoire possible. Malheureusement, le film n’arrive pas à concrètement développer ses sous-textes, et manque de subtilité.  

Parvu décide de ne pas faire d’Ari son personnage principal, mais se concentre plutôt sur la communauté dans son ensemble, ses fonctionnements, mais également ses dérives. Ce choix rend le développement des personnages flou. Celui d’Ari est même faible, étant donné que Parvu ne l’exploite que très peu en tant que personnage à part entière, mais qu’il l’aborde comme élément déclencheur du film. Il n’est caractérisé que par son souhait de s’échapper de son village natal, et les potentiels troubles causés par son agression sont mis de côté au profit d’autres sujets que Parvu semble avoir plus envie de développer, comme la corruption. Ce vide lié au personnage d’Ari crée un sentiment de frustration, de part la limite narrative qu’il rencontre. Si bien qu’en fin de compte, le personnage semble être aussi bien restreint par sa situation que par son réalisateur.

Si le film a des défauts, il a également des qualités. Un de ses atouts principaux est son efficacité : Parvu parvient à délivrer ses messages de façon claire et précise, parfois un peu trop, mais on ressort du film en ayant pu saisir tous ses enjeux politiques. Son intrigue est intelligemment posée, son titre y fait écho d’ailleurs, et ce village, semblant charmant au premier abord, suivant directement un très beau premier plan sur la plage, se dévoile gentiment en prison à ciel ouvert. Parvu a une volonté claire de dénoncer les arrangements politiques dans la campagne roumaine et elle se transmet facilement au spectateur, mais, cela étant dit, avec peu de subtilité dans sa narration et à travers son langage cinématographique.

Le film a quelques belles idées visuelles, qui sont bien exécutées, mais la majorité des plans reste sage, ne prenant pas de grand risque, ce qui confère parfois à l’image une certaine fadeur. Il s’agit peut-être bien d’une volonté du réalisateur, afin de concorder avec l’ambiance dans laquelle il essaie de plonger ses spectateurices, mais ce procédé crée une distance plus qu’il n’immerge.

Même si beaucoup de détails sont relevés de façon négative dans cette critique, il est important de souligner que le film est plein de partis pris dans son entièreté, et qu’ils peuvent avoir une résonnance différente pour chaque spectateurice !

Gil Dalebroux (23.10.2024)


Trei Kilometri Pana La Capatul Lumii – Trois Kilomètres Jusqu’à la Fin du Monde

  • Réalisation: Emanuel Parvu
  • Pays de production: Roumanie
  • Genre: Drame
  • Acteurices: Bogdan Dumitrache, Ciprian Chiujdea, Laura Vasiliu
  • Durée: 105 minutes