
Une famille américaine en vacances en Toscane rencontre un couple britannique et son petit garçon. Ce qui semblait être une rencontre agréable et positive se transforme progressivement en quelque chose d’étrange et de complexe à gérer, en raison du comportement de plus en plus inhabituel de la famille britannique.
Ce qui fonctionne vraiment dans le film, malheureusement, est très limité, car les moments où une scène parvient à convaincre grâce aux acteurs ou à la réalisation, ne peuvent être décrits que comme des fragments éparpillés tout au long des presque deux heures du film. Pour le reste, le résultat est plutôt médiocre, d’autant plus que, étant un remake d’un film danois sorti il y a à peine de§ux ans, cette nouvelle version de Speak no Evil ressort véritablement en miettes.
Le problème ne réside pas tant dans le fait d’avoir produit un énième remake, mais dans toute la logique industrielle actuelle d’Hollywood où l’on se contente de proposer des remakes bâclés, banals et dépourvus d’identité réelle. Un grand film comme The Departed de Martin Scorsese est aussi le remake d’un film sorti quatre ans plus tôt, mais avec un réalisateur ayant une vision claire et quelque chose à raconter. Il est donc normal que le résultat du film soit plus que positif. Dans le cas de Speak no evil, cet élément fait cruellement défaut.
Ce film apparaît inutilement exagéré en termes d’interprétation et de gestion du temps, présentant peu de substance, tant au niveau de la narration que de l’interprétation. Alors que l’original danois aborde des thèmes tels que la désintégration d’un couple et ses difficultés, ainsi que le mal inhérent à l’être humain, le tout avec une réalisation très intelligente et une tension croissante, le remake américain échoue dès la première scène.
Ce qui était censé être un film d’horreur psychologique ne parvient pas à instaurer une aura de suspense continu qui devait culminer au bon moment. Il manque la véritable peur, l’inquiétude, l’angoisse, ce sentiment de malaise face à ce qui se passe à l’écran… Autant d’éléments qui, dans le film original, sont très présents et habilement mis en scène grâce au talent du réalisateur, qui raconte par l’image plutôt que par des explications inutiles et banales, comme le fait ce remake. Dans cet dernier, le château de cartes s’effondre dès le début, à cause de la manière dont les personnages de James McAvoy et sa compagne sont amenés à agir. On comprend immédiatement qu’il s’agit de psychopathes, là où dans l’original, les personnages ne dépassent jamais une certaine limite ; c’est leur comportement, subtilement narré, qui sème le doute. Ce doute frappe le spectateur, le perturbe, et laisse un profond sentiment de malaise et d’incompréhension face à ce qui se déroule à l’écran, contrairement à la version de 2024.
Ces différences illustrent bien l’évolution de l’industrie qui a façonné le système de production hollywoodien ces dernières années. Nous sommes bombardés de remakes, reboots, sequels, prequels, spin-offs, … qui n’ont d’autres buts que de générer encore plus d’argent avec des œuvres qui en ont déjà rapporté par le passé. L’un des principaux problèmes des remakes réside précisément là : vouloir refaire un film d’un autre pays à la sauce américaine, simplement pour essayer d’imiter son succès ou pour engranger rapidement de gros profits tout en dépensant le moins possible. Et comme par hasard, la plupart du temps, le résultat est, sinon catastrophique, en tout cas extrêmement décevant, car le remake n’est ni capable de rendre l’essence du produit original, ni d’imposer une nouvelle identité avec quelque chose à raconter, donnant ainsi un résultat médiocre.
L’élément le plus illustratif de cette absence d’identité, confinant à la banalité, est la fin du film. Sans trop en révéler sur les deux versions, il suffit de dire que le troisième acte du film danois est celui où tout se dévoile, où de nombreuses révélations sont faites et où les événements qui s’ensuivent, après une construction calibrée et étudiée du suspense, sont extrêmement crus, directs et capables de faire réfléchir sur la nature cyclique du mal chez l’être humain. À l’inverse, la version américaine choisit de modifier entièrement ce troisième acte, en optant pour une résolution plus conforme aux standards hollywoodiens. Car bien sûr, en plus de copier les idées et de les rendre bâclées, il faut aussi altérer l’œuvre originale, de peur que le film ne soit soumis à des restrictions ou à des critiques susceptibles d’affecter le box-office.
Une fois de plus, Hollywood démontre comment l’industrie consomme, mâche et recrache tout ce qui a trait au facteur artistique.
Jacopo Greppi (18.09.2024)
Speak No Evil
- Réalisation: James Watkins
- Pays de production: Etats-Unis
- Genre: Thriller
- acteurices: James McAvoy, Mackenzie Davis, Aisling Franciosi
- durée: 110 minutes