Civil War – Les reporters de guerre : victimes d’horreurs dans une société de plus en plus fragile (critique)

© Elite Film AG

La réalité racontée est dure, sombre, intimidante, effrayante, apparemment dystopique, mais malheureusement beaucoup plus réelle et actuelle qu’on ne le pense. En effet, ce qui est raconté dans le film Civil War est la situation des Etats-Unis : une Amérique divisée, au bord du précipice, fragmentée et perdue à bien des égards.

En pleine guerre civile, une petite troupe de journalistes décide d’entreprendre un voyage pour tenter d’interviewer le Président, et ce faisant, le réalisateur Alex Garland montre au spectateur les horreurs perpétrées et vécues par les êtres humains, en utilisant un microcosme de quatre reporters comme témoins.

Ce n’est pas un hasard si le cœur battant du film est précisément constitué par les reporters de guerre. Des gens ordinaires qui, dès leur plus jeune âge, ont été catapultés dans cette réalité à laquelle il est désormais impossible d’échapper. En fait, le microcosme de Civil War a une double fonction : il montre au spectateur le danger et le sacrifice de ces journalistes et un aspect encore plus ignoré. A savoir, les conséquences que ces choix de vie entraînent.

Ces dynamiques sont bien représentées par les quatre personnages principaux. Lee (Kirsten Dunst) est une photojournaliste mondialement connue, et le spectateur est en mesure de comprendre pleinement les horreurs dont elle a été témoin et qu’elle a photographiées pour faire connaître au monde la réalité. Son visage est creux, sinistre, fatigué, presque désespéré. Sammy est le journaliste qui a le plus d’expérience derrière lui, et il est compréhensible qu’il soit aussi celui qui voit l’avenir le plus négativement. Joel, quant à lui, montre le côté le plus fou et le plus franc que l’on est probablement amené à avoir pour continuer à faire un tel travail, surtout au vu des horreurs dont on est témoin.

Enfin, il y a la jeune Jessie : inexpérimentée, naïve mais désireuse de suivre les traces de Lee pour montrer ce qui se passe dans le monde. Son personnage est crucial pour parler du processus vécu par les reporters de guerre, car elle représente ce passage de témoin fondamental qu’il doit y avoir, pour s’assurer que les causes sans voix puissent avoir une voix et être portées à la connaissance du plus grand nombre. Jessie représente cette pièce qui permet à ce cycle de se conclure et de se répéter. Un cycle d’agonie qui vous dévore, vous vide, vous détruit et entraîne d’innombrables sacrifices, … Mais qui s’avère nécessaire. Et la catharsis finale des personnages de Lee et Jessie explique très bien cette spirale vécue par les reporters. Un sacrifice qui, au nom de la liberté d’expression et de la résilience face à l’injustice, exige malheureusement le sacrifice de sa propre personne à niveau humaine.

En regardant Civil War, on ne peut s’empêcher de penser à l’actualité : des étudiants qui se font matraquer par la police sans raison, des journalistes qui tentent de raconter un génocide et qui se font tuer par l’armée israélienne, des présidents qui appellent à un coup d’état en attaquant aussi lesstructures clés de la démocratie, … Bref, le film montre et transmet un portrait de la société contemporaine. Une société en mutation, confuse, avec tant et peut-être trop de choses à changer. Cependant, la seule chose qui ne change pas, c’est le courage de ces personnes qui consacrent leur vie à essayer de documenter ces événements, à essayer de les montrer au plus grand nombre de personnes possible afin que, tôt ou tard, elles puissent provoquer le changement le plus important possible. Un courage, une mission qui sent pourtant la condamnation cyclique qui affecte toute la catégorie. 

Une condamnation nécessaire pour tenter de changer le monde.

Jacopo Greppi (13.04.2024)


Civil War 

  • Réalisation: Alex Garland
  • Pays de production: Etats-Unis
  • Genre: Action
  • acteurices: Nick Offerman, Kirsten Duns, Wagner Moura
  • durée: 109 minutes