Le Corps foucaldien – Margot Prod’hom

L’idée est née de la lecture de la conférence radiophonique que Michel Foucault a prononcée le 7 décembre 1966 sur France-Culture : Le Corps utopique[1]. Ce texte m’a profondément touché et j’ai voulu le partager. L’idée, en fait, est de donner l’occasion aux gens d’entendre la beauté de ce texte et la poésie que Foucault y déploie. Mais le texte, dans le projet, c’est Foucault qui le dit. D’abord, parce qu’au-delà d’être un grand écrivain, Foucault est aussi un orateur hors pair. Ensuite, parce que ce texte a initialement été prononcé par Foucault, avant d’être scellé en recueil. Il n’a d’ailleurs jamais été question de séparer le texte de son énonciateur. Sur ces bases, l’ambition initiale était de mettre en valeurs ce texte au travers d’une performance théâtrale dépourvue de dialogues, uniquement basée sur la corporéité. Mettre sur scène des corps qui interprètent les différents tableaux que peint Foucault sur le corps. Dans un deuxième temps, je suis revenue sur mon idée de mise-en-scène pour plutôt préférer un reportage photos accompagnant les propos de l’énonciateur. Dans le but d’être plus raisonnablement ambitieuse, j’ai développé l’idée de projeter des images de corps et de les superposer au texte audio : une projection de photos reproduisant également les diverses facettes du corps que Foucault identifie sous forme de différents planches thématiques. En effet, ce dernier distingue plusieurs chapitres sur le corps : entre autres il y a le corps proustien, le corps comme quotidien, le corps lieu de différentes catégories d’utopies, l’âme comme utopie du corps, l’effacement du corps au travers des utopies, la proprioception du corps, le corps visible mais surtout invisible, le corps comme lieu de naissance des utopies en tant que l’humain est le premier acteur des utopies, corps spirituel, corps artistique, corps comme chair, corps comme point zéro de l’Univers, corps comme concept récent, et le corps dans l’amour. Voilà déjà un exemple quatorze séquences recouvrant les passages principaux. Néanmoins, il manque certaines précisions et probablement que certains chapitres vont être, par la suite, regroupés. Ceci dépend également des exigences à remplir ou de ce qui arrange.

On retrouve à un autre niveau, deux aspects du corps clairement distincts quant aux thèmes de Colère et Désir : d’un côté un corps chair, qui vit, expérimente son propre corps à travers, l’autre à travers l’acte de « faire l’amour »[2], d’un autre, le corps comme « ici irréparablement, jamais ailleurs »[3], « corps incompréhensible, corps pénétrable et opaque, corps ouvert et fermé : corps utopique. »[4] ; une utopie mais, à la fois, une anti-utopie. L’idée serait donc aussi de faire apparaître dans les différents niveaux du corps les deux revers que sont la colère contre le corps et le désir pour et par le corps.

La conférence (initialement radiophonique) dure un peu moins de vingt minutes (19’35). Il y a bien sûr la possibilité de modifier cette durée : faire des pauses dans la conférence pour prolonger, voire même couper certaines parties s’il faut réduire (même si je trouverais dommage de couper le « texte »). Quant à moi, je ne prévoyais pas de couper le texte, sauf si cela est préférable en termes de compréhension. Il est vrai que le rythme original est relativement soutenu. En vingt minutes, j’imagine m’arranger pour projeter un quinzaine de tableaux maximum composés de plusieurs photos, des fois plus, des fois moins. Le tableau ainsi composé est projeté pendant environ une minute, le temps que l’œil puisse parcourir l’ensemble. Chaque composition visuelle projetée porte sur une des séquences thématiques de la conférence diffusée présentées plus haut. L’objectif est, au sens propre, d’imager les propos, de déployer les différents niveaux que distingue Foucault, de les rendre palpables, sensibles visuellement parlant. Je pense aussi certainement entrecouper la projection avec des petites séquences filmées entre les différents tableaux.

 


[1] Foucault Michel, Le Corps utopique, Les Hétérotopies, Nouvelles Editions Lignes, 2009.
[2] p. 20
[3] p. 9
[4] p. 13

 

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