
Anora, ou Ani comme elle préfère être appelée, est une jeune travailleuse du sexe new-yorkaise. Sa vie va changer lorsqu’elle rencontre Ivan, un jeune russe aux parents richissimes, au travers duquel elle se projette une toute nouvelle vie.
Après être parti filmer la Californie, la Floride ou encore le Texas, Sean Baker revient à ses sources new-yorkaises, ville qui l’a vu grandir et où il a tourné ses premiers films. Et le pari est réussi, car il s’est vu récompensé en mai du graal pour tout cinéaste, la récompense rêvée de la Croisette cannoise : la Palme d’Or, décernée par Greta Gerwig et son jury.
Si ce dernier projet de Sean Baker est peut-être le moins engagé politiquement de sa filmographie, Anora ratisse tout de même quelques problématiques généralement taboues dans le cinéma. On y retrouve évidemment les conditions de vie des travailleuses du sexe, ainsi que la volonté de s’échapper de sa situation. Mais cette fois-ci, le réalisateur américain, s’amuse à ridiculiser les riches, classe sociale qu’il aborde pour la première fois de façon aussi frontale. Mais, s’il fallait trouver un défaut au film, ce contexte social sert plutôt de fond pour permettre des péripéties virvoltantes et fiévreuses, même si Baker ne manque pas de lancer de petites piques par-ci, par-là, à travers la représentation de ses personnages et de leurs actions.
D’une durée de 2h20, la Palme d’Or 2024 ne laisse aucun répit à ses spectateurices (si l’on omet les 15 dernières minutes). Structurée en trois parties, l’action est saisissante, peu importe la tournure qu’elle prend. Utilisant comme toile de fond aussi bien une grande villa, des boîtes de nuit, ou New York, le film suit un rythme effreiné, où les changements de décor adviennent au bon moment, notamment après le premier tiers du film, et l’arrivée des personnages de Yuriy Borisov, Karren Karagulian et Vache Tovmasyan. Si le penchant comique de Sean Baker avait déjà pu être observé dans Tangerine (2015) ou Red Rocket (2021), se basant principalement sur des situations farfelues, il le pousse ici à son paroxysme, offrant des scènes extrêmement drôles, trop nombreuses pour être citées individuellement, tout au long du film. Le rire n’est pas forcé, et résonne très souvent dans la salle !
Malgré toute cette agitation, Sean Baker parvient à temporiser son film de manière efficace, insérant de manière naturelle les moments d’émotions et de douceur. La fin est la seule exception, où Anora (avec et sans italique) prend une tournure plus calme, mais ne perdant pas en puissance émotionnelle. Elle peut sembler en décalage avec l’ensemble du récit à première vue, mais condense toute l’empathie que Baker a pour son personnage principal.
Et que serait Anora sans citer sa protagoniste éponyme, incarnée par Mikey Madison, qu’on avait déjà pu voir dans Once Upon a Time in Hollwyood de Quentin Tarantino, ou encore dans Scream de Wes Craven. Avec sa prestation, l’actrice américaine de 25 ans s’offre certainement une nomination aux Oscars – si ce n’est la statuette. Elle porte à merveille l’énergie débordante d’Anora, à l’aide d’une palette d’expressions et d’émotions variées, et se révèle au monde (si ce n’était pas déjà le cas) comme une actrice très prometteuse. La Palme d’Or 2024 est probablement le film de Sean Baker le plus mainstream, mais il n’en reste pas moins une des grandes sorties de l’année. Le cinéaste réussit à y affiner son style comique, offrant des scènes parmi les plus hilarantes de 2024, mais ne perd pas de vue son engagement social qu’on lui attribue souvent. Bien que la fin d’année soit chargée en nouveautés, Anora fait décidemment partie des films à voir en priorité
Gil Dalebroux (30.10.2024)
Anora
- Réalisation: Sean Baker
- Pays de production: États-Unis
- Genre: Drama
- Acteurices: Mikey Madison, Yura Borisov, Mark Eidelshtein
- Durée: 139 minutes