The Phoenician Scheme : une nouvelle direction imperceptible prise par Wes Anderson ? (critique) 

the phoenician scheme (2025)
©Universal Pictures International Switzerland GmbH

À nouveau sélectionné au festival de Cannes en compétition officielle, le dernier film de Wes Anderson a reçu sur la Croisette un accueil plutôt mitigé et sort désormais en salles à travers l’Europe. Si la plupart des premiers spectateurs crient banalement au manque de renouveau du réalisateur, il serait facile de se conformer à cette idée et nier le changement de direction que prend le cinéma d’Anderson depuis plusieurs années. The Phoenician Scheme confirme cette trajectoire déjà partiellement empruntée par Asteroïd City en se caractérisant par un style plus proche des derniers court-métrages du réalisateur américain sortis en 2023 sur Netflix, notamment sur le plan de la narration et de l’énonciation directe. Une mutation qui s’explique aussi par le changement de directeur de la photographie, Robert Yeoman habituellement aux commandes étant cette fois-ci remplacé par Bruno Delbonnel qui, tout en gardant la patte symétrique reconnaissable d’Anderson, propose au niveau des décors et de la colorimétrie un changement notable. 

Le nouveau long-métrage de Wes Anderson présente une intrigue alambiquée, mêlant des thèmes comme les relations familiales, le rapport à la religion ainsi qu’à la mort, le tout sur un ton souvent plus mature et adulte que ce que le réalisateur américain a su proposer auparavant. Le récit est centré sur le personnage de Zsa Zsa Korda, homme d’affaires aux multiples casquettes, au fond énigmatique que le spectateur est amené à interpréter, sans jamais vraiment le déceler. Korda possède un plan de construction qui semble irréalisable, plus proche d’une arnaque, et se lance alors dans le défi fou de convaincre ses investisseurs de la véracité de son exploitation industrielle dans la région de la Phénicie, proche du Liban. Ses péripéties nous emmènent à travers les paysages désertiques, les palais orientaux, et la demeure austère de Zsa Zsa Korda, ce voyage étant mis en difficulté par de multiples tentatives d’assassinats sur le personnage interprété par Benicio Del Toro. Entre anciennes femmes, vieilles retrouvailles et reconstruction d’un lien avec sa fille devenue sœur religieuse, Korda va devoir trouver un équilibre là où cela semble impossible.  

Coté acteurs, Liesl, la fille de Zsa Zsa est interprétée par la jeune et talentueuse Mia Threapleton pour sa première fois à l’écran chez Wes Anderson. Outre l’habituel défilé de stars de la bande du réalisateur de Grand Budapest Hotel comme les courtes mais bonnes apparitions de Mathieu Amalric, Willem Dafoe ou encore Bill Murray, une seconde génération paraît se détacher depuis les derniers projets en date de Wes Anderson avec des acteurs recyclés pour la deuxième ou troisième fois comme Tom Hanks, Bryan Cranston et Scarlett Johansson. Rien ne reste toutefois mémorable, si ce n’est la géniale performance de Michael Sera, qui semblait tout fait pour l’univers décalé et absurde du maître de la symétrie.  

The Phoenician Scheme est un film de transition dans la filmographie de Wes Anderson, n’en déplaise à certains qui confondent peut-être le manque d’originalité du réalisateur avec sa patte artistique propre. Nul doute que l’identité visuelle forte de ses plans ainsi que la bande-son toujours excellente de son compositeur attitré Alexandre Desplat prête à confusion dans ce renouvellement pourtant bien présent : il y’a de la violence, des morts et le paradis (ou l’enfer ?), le ton général est plus sérieux. On est ici bien loin des comédies légères des décennies antérieurs comme Moonrise Kingdom ou La vie Aquatique, l’humour étant relégué au second voire au troisième plan. Sans pour autant que son cinéma prenne la meilleure direction qui soit, il est toujours plaisant de voir ce que Wes Anderson propose malgré les quelques creux composant l’intrigue de son nouveau film, le rendant facilement oubliable. On ne peut qu’attendre impatiemment la suite de cette évolution, en espérant peut être un peu plus de temps consacré au développement plus profond d’une nouvelle histoire, le rythme effréné des dernières productions du réalisateur américain n’ayant pas facilité la tâche.  

À découvrir dès le 28 mai au cinéma.

Arno Babel (27.05.2025)


The Phoenician Scheme

  • Réalisation : Wes Anderson
  • Pays de production : États-Unis
  • Genre : Crime
  • Acteurices: Benicio del Toro, Scarlett Johansson, Tom Hanks
  • Durée : 1h41