NIFFF, jour 5 : révolution

[06/07/2022]

Déjà la moitié du festival pour nos Starsky et Hutch de catégorie III. Si la santé mentale tient le choc pour l’instant, la révolte gronde dans films de la compétition internationale. Au programme : Djinn-Djinn, FreaX-men et caca.

Zalava de Arsalan Amiri (compétition internationale)

Massoud est le gendarme en charge de Zalava, un petit village caché dans les montagnes iraniennes. Ses habitants et habitantes sont d’anciennes communautés nomades devenues sédentaires à Zalava. Très croyants et sensibles aux signes des esprits, ils font appel à Armadan, un exorciste itinérant, lorsque leur village est en proie à la colère d’un djinn. Persuadé qu’il s’agit d’un charlatan, Massoud arrête Armadan et confisque le bocal censé contenir le démon, privant par la même occasion le village de ses espoirs.

Constamment nourri d’une tension entre croyance et science, entre foi et logique, le récit de Zalava progresse sans jamais prendre parti. Il réussit toutefois à remplir sa mission et livre un film captivant, où tous les éléments fantastiques restent suggérés dans l’ombre du village. Plus intéressant encore que la tension initiale, le film réussit à créer des ponts entre les personnages déjà riches par eux-mêmes ; manière de remettre en question nos rapports à la foi et à la superstition.

Zalava propose une allégorie que chacun·e saura lire sous un prisme différent et c’est ce qui fait sa force. Si l’un y voit, à la sortie de la pandémie, une métaphore du combat entre sceptiques et scientifiques, une autre pourra y lire une représentation des persécutions envers les Kurdes d’Iran. C’est la preuve d’un récit efficace et bien maîtrisé, utilisant avec brio la force de l’évocation. Zalava dépeint avant tout les rapports de forces face à l’altérité ; thème qui n’en finira jamais de se réinventer.

Alex


Freaks Out de Gabriele Mainetti (compétition internationale)

Deuxième long métrage du réalisateur Gabriele Mainetti après le très primé They Call Me Jeeg, Freaks out propose une histoire touchante dans un style très grand public, sans pour autant perdre les éléments qu’on attend d’un bon film de freaks.

Un quatuor d’artiste aux pouvoirs étranges se produit dans le petit cirque d’Israël, monsieur loyal chaleureux, dans la campagne italienne. Mais la guerre faisant rage, celui-ci disparaît et nos quatre protagonistes s’enfoncent dans les rues de Rome sillonnée de nazis pour le retrouver. Sur leur route, il leur faudra affronter Fritz le terrible pianiste nazi du grand « Circus Berlin ».

Cette histoire assez simple est peuplée de personnages touchants dans leur excentricité. Les quatre principaux sont le cœur de cette attraction, mais autour d’eux, loin d’être fades, les gens venus voir les monstres sont souvent tout aussi excentriques. Le rapprochement des iconographies circassiennes et nazies produit un univers bariolé et rafraîchissant, offrant quelques blagues visuelles bienvenues.

Malgré ces thèmes qui pourraient être déclinés de manière sombre ou très pulp, le film est accessible pour un public familial et fait le choix de toujours rester un divertissement agréable. Les excentricités des personnages sont drôles, mais jamais angoissantes. Les scènes de déportation ou de guerres ne tirent pas sur l’émotion outre mesure et restent sobres.

Si vous cherchez en Freaks Out un grand film de genre, vous serez certainement déçus. Mais si vous cherchez un film comique et tendre, qui peut sans souci être conseillé à votre famille ou vos amis les plus frileux, alors il s’agit du long métrage parfait.

Baptiste


Ach du Scheisse ! de Lukas Rinker (section Ultra Movies)

Une heure et demie, coincé dans des toilettes de chantier, ça peut être un bon moment ! Enfin, pas si c’est vous qui le vivez, mais si vous regardez Frank le vivre, dans ce premier long métrage du réalisateur Lukas Rinker. Pourquoi Frank ne sort pas des toilettes ? Et bien, parce qu’il a le bras empalé sur une tige d’acier qui transperce ce Toi-Toi… et ça fait mal.

Gore, fun, compensant l’absence de budget pour un premier film par un concept brillamment tenu de bout en bout, Ach du Scheisse ! est digne de son appellation « ultra movie ». Et de la merde (scheisse dans la langue de Tokyo Hotel) il n’y en a pas que dans les insultes. Préparez-vous à vous faire tartiner la rétine de tout ce qui peut sortir d’un corps humain et empêcher notre sympathique héros de s’échapper.

Bien conscient des limites du genre, ce survival claustro met tout en place pour jouer avec les attentes des spectateur·rices ; faisant par exemple croire qu’il est à court d’idées après un quart d’heure seulement, avant de repartir de plus belle. Et malgré sa longueur (90 minutes, ce qui est ambitieux pour un premier film du genre), on reste – nous aussi­ – piéger dans notre siège, captivé par les rebondissements ahurissants de Ach du Scheisse !

Si vous voulez tenter l’expérience, attendez-vous à plonger (littéralement) à l’intérieur de ce Toi-Toi des enfers. Un film au visuel égalant celui des films gores de série B, aux personnages tout droit sortis d’une version allemande des Feux de l’amour et à l’intrigue digne d’un épisode de Derrick.   

Alex & Baptiste