
Uncharted : quand le moule hollywoodien échoue à nouveau
Lorsqu’une major hollywoodienne déclare vouloir porter un jeu vidéo sur grand écran, on ne peut s’empêcher d’être extrêmement sceptique, car les résultats obtenus jusqu’à présent ont déçu tant les joueurs que le grand public. Malheureusement, ce nouveau film mettant en scène Tom Holland dans le rôle de Nathan Drake ne fait pas exception, même si cela était prévisible pour plusieurs raisons.
Vouloir gagner de l’argent avec un produit est plus que normal et juste, sinon presque aucun film ne serait réalisé. Mais c’est lorsque l’essence d’un produit est mise de côté, minimisée, déconstruite et annihilée, en faveur d’un pur profit disproportionné qu’un gros problème se pose. Un gros problème dans la mesure où presque rien du produit adapté ne restera sur le grand écran, et le peu qui survivra sera encore soumis à diverses modifications.
Uncharted ressemble à cela : il s’agit de l’adaptation d’un jeu vidéo, mais il ne comporte aucun élément du jeu vidéo, si ce n’est le nom des protagonistes. C’est déjà un problème, car faire le film de « Uncharted » devrait présupposer la transposition de l’essence du produit de base, mais cela ne se produit pas. L’un des principaux atouts de la série de jeux vidéo réside dans les personnages, leurs caractéristiques, la manière dont ils interagissent entre eux et dont ils parviennent à résoudre certains problèmes malgré l’adversité. Supprimer les personnages reviendrait à supprimer Uncharted, et par conséquent sa source de vie. Le film n’a rien de cette essence, jouant deux personnages bidimensionnels qui vivent de clichés, avec un récit qui ne fait rien d’autre que de se sentir vide. L’un des problèmes du projet est donc clair : un film Uncharted sans les personnages qui donnent vie à cette saga ne peut pas être un film Uncharted, et ces absences vont donc poser divers problèmes.
Le film déforme les personnages du jeu vidéo et leurs actions, précisément pour adhérer à cette logique hollywoodienne, selon laquelle il faut appliquer le même type de formule à un blockbuster pour tenter de gagner le plus d’argent possible, indépendamment de la qualité réelle du produit réalisé. Il n’est pas étonnant que le résultat soit bâclé, ridicule, vide et dépourvu de toute forme d’inventivité.
Mais comment cela se fait-il ? Car pour gagner autant d’argent, les majors, qui sont le cœur du capitalisme et du consumérisme, doivent minimiser au maximum le facteur risque. Par conséquent, faire un film basé sur une saga de jeux vidéo comme Uncharted serait un saut dans le vide que les grandes majors hollywoodiennes ont peu de chances de faire. Il est beaucoup plus simple de réaliser un énième blockbuster fait au pochoir, avec des acteurs à la mode du moment, des effets visuels qui ne sont pas fonctionnels à l’intrigue et un humour adolescent de bas étage.
Malheureusement, le résultat est un produit vide et oubliable qui a été remis entre les mains d’un réalisateur dont le seul but est de satisfaire les souhaits des grandes entreprises. Réalisateur qui ne pourra probablement pas mettre sa propre touche poétique, sa propre vision, dans ces produits afin de transmettre quelque chose. Il s’agit donc d’un système paradoxal qui tente de minimiser les risques, mais qui finit souvent par se tirer une balle dans le pied. Un système qui fonctionne souvent et qui réussit à tromper le spectateur. Il suffit de regarder la plupart des films du Marvel Cinematic Universe qui sont très bien notés par les critiques du monde entier et par le public. Malheureusement pour Uncharted, c’est l’autre côté de la médaille. Du côté où la superficialité et l’inefficacité du produit sont si évidentes, que le résultat ne peut être qu’un échec à tous égards.
Jacopo Greppi (05/03/2022)
Uncharted
Réalisation : Seth Gordon
Scénario : Joe Carnahan, Art Marcum, Matt Holloway, Rafe Judkins
Interprétation : Tom Holland, Mark Wahlberg, Antonio Banderas, Tati Gabrielle, Sophia Ali, Patricia Meeden, Sarah Petrick
Images : Chung-hoon Chung
Montage : Chris Lebenzon
Son : Kami Asgar
Décors : Shepherd Frankel
Costumes : Anthony Franco
Effets spéciaux : Thomas Elder-Groebe
États-Unis, 2016, 116 minutes
Sortie romande : 16 février 2022