« Lamb » – Critique

Noomi Rapace dans Lamb © 2022 Filmcoopi
Lamb, ou la fable de l’absurdité humaine en 3 chapitres

L’annonce de la sortie du premier long-métrage de Valdimar Jóhannsson, en tant que réalisateur, a éveillé l’intérêt de nombreux adeptes de la société A24, après que celle-ci ait acquis les droits de diffusion nord-américains. Dans ce drame folklorique, coécrit avec le poète islandais Sjón et ayant remporté le prix d’originalité « Un certain regard » à Cannes en 2021, le spectateur est plongé dans la nature islandaise et suit la naissance d’un être hybride. Né dans l’étable d’un couple d’éleveurs, cet être à corps humain et tête de mouton leur permet d’enfin vivre le bonheur de la vie de famille. En effet, ceux-ci vont immédiatement élever l’être mi-enfant mi-agneau nommé Ada comme leur propre enfant, sans montrer un seul signe d’étonnement face à son apparence. Considérée comme un cadeau par Maria, Ada va toutefois devenir l’objet de phénomènes étranges.

La persistance de la mère biologique d’Ada, le mouton 3115, qui cherche à récupérer son agneau et celle de Pétur, le frère d’Ingvar qui tente de faire sortir le couple de leur naïveté absurde vont créer une dissonance chez Maria et Ingvar dans leur rapport à l’enfant adoptif. On fera alors face à une négation persistante du couple, et surtout de Maria, de la part animale de l’être hybride, créant un réel inconfort face à la naïveté totalement absurde du couple vivant l’arrivée d’Ada comme totalement normale. Bien plus que perturber Maria et Ingvar, ces éléments instaurent un sentiment de malaise chez le spectateur, qui ne sait pas de quel côté se ranger : du côté de la mère biologique d’Ada qui n’est finalement qu’un « simple » mouton, mais pour laquelle il est impossible de ne pas ressentir d’empathie face à l’innocence qu’elle incarne, ou du côté de Pétur, bien conscient de l’aveuglement de son frère et de Maria, mais dont le comportement suspect et dérangeant à l’égard de cette dernière n’est pas propice à une totale adhésion à son personnage ?

Le comportement égocentrique et naïf du couple pousse alors à se demander si le film n’est pas une critique de l’égocentrisme humain face à la nature et sa volonté de la contrôler et de s’accaparer celle-ci. En effet, l’opposition nature/culture ne cesse d’être représentée. Que ce soit par la succession de plans d’ensemble sur la nature islandaise, faisant paraître les deux éleveurs comme insignifiants face à celle-ci, ou par des jeux de point de vue par l’usage récurent de plans au travers de fenêtres, créant un jeu de surcadrage, opposant l’intérieur – représentant la culture, l’anthropocentrisme et la naïveté humaine – et l’extérieur – représentant la nature et la menace.

Le récit se clôt de manière quelque peu décevante, apportant une conclusion qui, bien qu’elle rétablisse un ordre entre la nature et l’égoïsme de l’homme et résolve le suspense lié à de nombreux éléments présents dans tout le film, semble précipitée et perd de sa poétique par l’usage d’une échappatoire rappelant presque un Deus ex machina. Cependant, malgré ce dernier élément, Lamb dévoile un magnifique travail esthétique et une morale amenée de manière poétique qui, malgré son aspect folklorique, n’empêche pas de créer un lien entre la relation destructrice actuelle qu’a l’humanité avec la nature.

Annaelle Poget (01/01/2022)


Lamb
Réalisation : Valdimar Jóhannsson
Scénario : Valdimar Jóhannsson & Sjón
Interprétation : Noomi Rapace, Björn Hlynur Haraldsson, Hilmir Snær Guðnason
Images : Eli Arenson
Son : Fredrik Dalenfjäll
Musique : Þórarinn Guðnason
Décors : Snorri Freyr Hilmarsson
Costumes : Margrét Einarsdóttir
Pays d’origine : Islande
Durée : 106 minutes
Sortie le 12 janvier 2022