Il y a des histoires de tournage qui nous font dire qu’il serait peut-être bien d’arrêter tout avant la catastrophe. Et lorsque les réalisateurs Phil Lord et Christopher Miller ont été virés (le terme n’est pas trop fort) de la production de Solo : A Star Wars Story, même les fans les plus assidus ont commencé à se poser des questions (et j’en faisais partie). Changer de réalisateur si tard dans la production d’un film n’est jamais une bonne chose et les dernières grosses productions hollywoodiennes n’ont pas dérogé à la règle. De fait, lorsque Ron Howard a été annoncé comme repreneur du projet certains ont grincé des dents, d’autres ont poussé un souffle de soulagement. Mais rien ne parle mieux d’un film que lorsqu’il est fini. Du coup, Solo : A Star Wars Story ça vaut la peine ?
Le film est l’origin story de Han Solo, l’un des personnages les plus connus et aimés du cinéma américain. Le but étant de découvrir de manière plus approfondie la mythologie du contrebandier. Sur le papier, le projet n’est pas transcendant, et pas des plus attendus par les fans de la saga créée par Georges Lucas. Il est vrai que l’on tape dans la simplicité. Faire un film entier sur un personnage que tout le monde connait alors que l’on a un univers infini peut déplaire. De plus, après la réception « mitigée » de The Last Jedi en décembre dernier, le film doit faire beaucoup, peut-être un peu trop à mon avis.
On ne va pas se le cacher, nous ne sommes pas en face du film de l’année. Comme toute production, il y a des éléments qui fonctionnent et d’autres un peu moins. Premièrement, et c’est sans doute l’une des plus grandes appréhensions vis-à-vis du film, Alden Ehrenreich offre une prestation bonne mais pas grandiose. Cependant, reprendre un tel rôle est quasi mission impossible. A jamais le personnage de Han Solo sera rattaché à Harrison Ford. Là où le jeune acteur fait quelque chose de très fort est le fait qu’à aucun moment il essaie d’imiter Ford. Il intègre le personnage parfaitement bien et le joue à sa manière. On ne se dit jamais en regardant le film : « c’est pas Harrison Ford ». L’unique problème c’est qu’on ne se dit pas non plus que c’est le Han Solo que l’on connait. Cela prend un moment à s’y faire. Mais dès que l’on a fait la paix avec ceci, on est face un personnage touchant et surprenant. On aime découvrir ses nouveaux aspects sans jamais renier ce qui a été fait auparavant. A ce sujet, chapeau à l’acteur et à Howard qui le dirige.
Mais les deux vraies stars du film sont Lando Calrissian (interprété à merveille par Donald Glover) et Chewbacca. On pourrait changer le titre du film par soit Lando ou Chewbacca qu’on ne serait pas en tort. Cantonnés au second rôle dans la première trilogie, on ne peut s’empêcher d’être heureux de les voir prendre plus de place. A ce sujet, Donald Glover met de nouveau tout le monde d’accord – sérieusement est-il vraiment possible d’avoir autant de talent dans un seul humain. Dès les premières secondes on est face à Lando, sans aucun doute. Cela en devient même étrange. Fermez les yeux et il sera impossible de faire la différence entre lui et Billy Dee Williams, c’est troublant. De son côté, l’éternel acolyte de Han Solo prend de l’ampleur et c’est une très bonne chose. Il donne de l’humour au film et la relation entre lui et Han est sans doute la mieux réussie de la saga (je tends déjà la seconde joue). C’était un des éléments les plus attendus du film. Si la rencontre entre les deux était ratée, une bonne partie du film le serait également. Mais ce n’est pas le cas. Qui plus est, cela donne de la profondeur à ce duo et, de facto, aux autres épisodes. De son côté, Emilia Clarke est intéressante sans en faire trop. Elle aide à mieux comprendre la psychologie du contrebandier.
L’autre éléments vraiment réussi du film réside dans sa réalisation et sa photographie. Alors certes nous ne sommes pas face à un film qui va révolutionner l’histoire du cinéma. Ron Howard fait des films “classiques”, et du coup Solo l’est. Mais ce n’est peut-être pas une si mauvaise chose. De plus, le film est superbe au niveau de sa photographie et sur ce point il serait bon de mettre en avant le travail de Bradford Young (Arrival, A Most Violent Year, Selma). Plusieurs séquences sont à couper le souffle par leur beauté. D’autres parts, certains aspects du scénario de Lawrence Kasdan (monsieur Star Wars) et son fils Jon surprennent, même dans un film sans réel surprise. Ils réussissent à écrire une histoire qui rappelle beaucoup d’éléments, mais qui en amène également. Solo est sans doute le film qui connecte le plus avec le reste de la saga (tous médiums confondus). On ne peut pas trop s’étendre sur ce sujet sans spoiler, mais attendez-vous à être surpris. En outre, c’est le film qui arrive le mieux à montrer l’impact de l’Empire sur les personnages. On ressent ce poids et cela aide à comprendre certain choix au sein de l’histoire. Enfin, le fan service n’est jamais jeté à la figure sans réel but narratif, ce qui peut poser problème dans ce genre de productions. En restant « objectif », lorsque Han et Chewbacca se retrouvent aux commandes du Faucon Millenium pour la première fois : sourire garanti.
Mais malheureusement c’est également autour de ce scénario que les éléments ont un peu de la peine à se mettre en place. Le film gratte souvent la surface sans vraiment aller plus loin. L’antagoniste du film (Paul Bettany) en est l’exemple type. Il n’est présent que quelques instants et du coup on l’oublie un peu ce qui est dommage. Mais l’histoire en elle-même a de la peine à creuser en profondeur. C’est regrettable car cela vient casser un peu les points positifs du film. Qui plus est, certains personnages secondaires sont oubliables. Etant un grand fan de Woody Harrelson il est difficile de se l’avouer, mais n’importe quel autre acteur aurait pu l’interpréter.
Solo : A Star Wars Story est un très bon ajout à l’univers Star Wars. Sans faire trop de folies, le film fait le travail qu’on lui demande. De plus, il est l’exemple que, même après une production désastreuse, il est possible d’avoir un projet fini répondant aux attentes.
Simon Coderey (22/05/2018)