Jean-Christophe

Jean-Christophe Aubert

Jean-Christophe Aubert a mené parallèlement des études scientifiques (mathématiques) et musicales (orgue) à Genève.

Depuis 1980, il dirige le Choeur Universitaire de Lausanne, avec lequel il aborde un répertoire éclectique. À l’occasion des quelque trente programmes donnés en concerts, il a en effet proposé des compositeurs aussi différents que Victoria, Byrd, Schütz, Bach, Haydn, Mozart, Brahms, Berlioz, Stravinsky et Frank Martin, Poulenc, Honegger, Berio… avec toutefois une prédilection pour des oeuvres du 19e et du 20e siècle, plus appropriées à l’effectif de l’ensemble. Programmes a capella ou avec orchestre, Jean-Christophe Aubert a engagé chaque année avec les choristes des deux Hautes écoles l’étude d’une oeuvre, d’un compositeur ou d’une époque musicale différents.

Parmi les programmes abordés, on retiendra celui consacré aux Cantigas (1991), un concert sous forme d’un diptyque : une partie consacrée aux cantigas anonymes du 13e siècle et l’autre à l’oeuvre du même nom de Maurice Ohana ; ce concert a permis de découvrir une filiation saisissante entre la musique mariale au temps d’Alphonse le Sage et sa traduction polymorphe par Ohana. On soulignera également la cantate pour choeur et orchestre Vers quel ciel éblouissant (2002), oeuvre commandée par le Choeur universitaire au compositeur Eric Gaudibert, composée sur des poèmes de François Debluë. Un travail qui fut enrichi par un dialogue continu entre le compositeur et le choeur, permettant ainsi à chaque choriste de se familiariser, puis de saisir le langage du compositeur.

En collaboration avec le comité du Choeur Universitaire de Lausanne, Jean-Christophe Aubert a également mis sur pied un certain nombre échanges avec d’autres ensembles universitaires, en Pologne, Belgique, Italie, Espagne et Etats-Unis. On notera à ce propos le récent échange avec le Choir du Massachusetts Institut of Technology (MIT) de Boston : Requiem allemand à deux choeurs, de part et d’autre de l’Atlantique, doublé d’un échange scientifique entre les étudiants et chercheurs des deux campus.

Avec la complicité de quelques choristes désireux de s’engager davantage dans la pratique du chant, Jean-Christophe Aubert fonde en 1983 la Chapelle Vocale de l’Université, devenue depuis la Chapelle Vocale de Lausanne. Avec cet ensemble, le répertoire se montre résolument baroque. Il dirige les Passions de Bach dans des versions sur instruments anciens (Saint-Mathieu en 1985, Saint-Jean en 1988), et collabore avec un autre ensemble appelé à porter un regard attentif sur la musique baroque : le Contrepoint de Besançon.

En 1992, il prend la direction du Labyrinthe de Lyon avec lequel, il poursuit son étude de la musique des 16e, 17e et 18e siècles. On lui doit, en collaboration avec Catherine Lassalle, professeur de chant au Conservatoire de Saint-Étienne, un enregistrement CD consacré au psaume huguenot, commandé par le Musée International de la Réforme de Genève, ainsi que des concerts consacrés au discours énigmatique de Carlo Gesualdo (Répons et Madrigaux), Claudio Monteverdi (Vêpres et Selva Morale) et Henri Du Mont (Musique pour la Chapelle du Roy). Avec Marinette Extermann, professeur d’orgue et de clavecin aux Conservatoires de Genève, il a récemment donné une intégrale des Motets de J.-S. Bach et des Concerti brandebourgeois.

Jean-Christophe Aubert est également organiste à l’église Saint-Germain de Genève, donne des cours de mathématiques au Collège de Saussure, et collabore à la direction de la fondation Culture & Rencontre de Genève.

Epilogue
A Jean-Christophe

Pour les membres du Choeur Universitaire de Lausanne, pour ses anciens chanteurs, ses amis, le concert de ce soir [11 mai 2012] présente une émotion toute particulière. Après trente-deux à sa tête, plus de cent vingt représentations, des dizaines de programmes musicaux, c’est en effet le dernier concert du Choeur universitaire que dirige Jean-Christophe Aubert.

Emotion toute particulière, qui tient à la relation nouée au fil des années entre un animateur exceptionnel et ses nombreux choristes. « Animateur », car le titre de « directeur », celui de « chef », ici, ne conviennent pas tout à fait. Jean-Christophe (comme l’appelle simplement ses choristes), n’a pas été homme à imposer ses vues musicales de façon autoritaire. Rarement on l’aura vu, de mémoire de choriste, hausser le ton, prendre à partie les chanteurs, perdre son sang froid. Si Jean-Christophe a su pendant trois décennies être l’âme du Choeur universitaire, si nombre d’oeuvres – et parfois des plus complexes – ont pris vie à travers son geste et sous son regard, s’il a ainsi infléchi, soutenu, conduit, orienté la voix et la parole, c’est par d’autres chemins, à la fois plus personnels et plus humains.

Il y a d’abord un décentrement, une prise de distance avec soi-même liée sans doute à la prédilection de Jean-Christophe Aubert pour la musique baroque, où l’on sait que le « directeur » avait originellement sa place parmi les instrumentistes plutôt qu’à la baguette. En 1980, lorsque le jeune chef prend la direction du Choeur universitaire, c’est d’ailleurs à l’inspiration du mouvement de renaissance de la musique ancienne que se dessinent les premiers concerts. Un effacement apparent, une modestie qu’expliquent sans doute aussi les circonstances : la particularité d’un choeur universitaire tient à la jeunesse et au statut de ses membres ; lorsque ceux-ci rejoignent chaque semaine l’ensemble, à côté d’un cursus individualisé et d’enseignements souvent délivrés de manière frontale, ne viennent-ils pas chercher quelque chose de différent, une mobilisation plus collective, un engagement plus libre ? Jean-Christophe Aubert a su répondre à ces spécificités et aux attentes des étudiants : dynamisme, humour, patience, mais aussi exigence et charisme furent ainsi ses qualités maîtresses, gages de la motivation des étudiants.

Tous les choristes se souviendront de l’humour intarissable de Jean-Christophe, capable de susciter une atmosphère amicale et de détente, à la fois dépaysante, chaleureuse, et utile à un apprentissage parfois ardu et de longue haleine. Car malgré cette détente, malgré la ténacité et l’indulgence qu’implique nécessairement un apprentissage constamment remis sur le métier, avec des choristes qui pour certains ouvrent pour la première fois une partition, Jean-Christophe Aubert, motivé par un haut idéal pédagogique, n’a pas sacrifié une grande exigence musicale, toujours attentif à la souplesse et à l’unité du phrasé, aux liens rhétoriques entre texte et musique, au respect des intentions originelles du compositeur… Un raffinement musical que le directeur a par ailleurs poursuivi avec des ensembles professionnels (le Contrepoint de Besançon, le Labyrinthe de Lyon).

L’un des mérites de Jean-Christophe Aubert est aussi d’avoir considérablement élargi le répertoire du choeur, avec des choix musicaux très éclectiques, variant d’une année à l’autre les compositeurs, les types d’oeuvres, les esthétiques et les époques : de Victoria à Berio, de Bach à Poulenc, en passant par Mozart, par Brahms, Mendelssohn, Berlioz, Stravinsky ou Frank Martin… Chaque année, il s’agissait pour le directeur de faire découvrir de nouveaux horizons aux choristes, de maintenir éveillé l’intérêt, ou de se lancer dans de nouveaux défis, en évitant de s’en tenir aux opus les plus connus ou les plus demandés. Plusieurs oeuvres ont ainsi été commandées ou créées sous sa direction, comme Vers quel ciel éblouissant d’Eric Gaudibert, ou Meditatio XXI et Le Sermon de Gaïa de Rui dos Reis. Des créations qui ont d’abord suscité l’étonnement des choristes, mais qui, grâce à la persévérance de Jean-Christophe Aubert, se sont finalement révélées comme des expériences uniques. Dans un autre registre, le programme de ce soir, avec la Missa Solemnis, une des oeuvres les plus difficiles du répertoire, très rarement donnée par des ensembles amateurs, illustre à nouveau cette prise de risque.

A côté de ces qualités personnelles, si déterminantes pour le destin du Choeur universitaire, il faut souligner la contribution importante de Jean-Christophe Aubert à la vie et à l’organisation de l’association. Si le Choeur se porte si bien aujourd’hui, c’est aussi parce que son directeur a gagné la confiance des autorités universitaires, UNIL et EPFL confondues, sans le soutien desquelles nos ambitions auraient été bien plus réduites. En 1980, comme il se plaît à le rappeler lui-même, les choristes qui répétaient encore à la Cité ne disposaient pas même d’un piano… Depuis lors, secondé par une équipe de formateurs vocaux et de pianistes, tout comme par des comités dévoués et volontaires, Jean-Christophe Aubert a contribué brillamment au rayonnement culturel de l’Université de Lausanne et de l’EPFL, à travers nombre de succès musicaux, sur les scènes romandes ou à l’étranger dans le cadre d’échanges internationaux.

Aujourd’hui, l’Université de Lausanne témoigne sa haute reconnaissance au directeur en lui remettant le Prix de l’Université 2012. Quant à eux, les choristes et les Anciens du Choeur voudraient simplement dire merci à « leur » Jean-Christophe – en témoignage d’amical attachement – pour ces nombreux moments de bonheur musical partagé.

Michaël Comte
Président du Choeur Universitaire
Le 11 mai 2012